Ecrire ou mourir

Jour de vote

Ce matin, je suis allée voter. Vanitas vanitatum et omnia vanitas ! ! Allez savoir. Sur un malentendu, cela pourrait peut-être peser dans quelque balance que je souhaite la meilleure. Je me demande si nos politico sapiens souffrent de tortures altruistes. Ces milliers de mains serrées, ces poncifs, cette verbosité d’acrobate, les trahisons de moins en moins élégantes, l’insulte choisie, est-ce leur façon de nous prouver leur passion affectée de son semblable et l’amour immodéré du genre humain ? Le politico sapiens serait-il un saint ? A y regarder de plus près, il semble qu’il en a les échardes et à échéance régulière, les attitudes. Dans le secret de l’isoloir, il prie pour que nous béatifions son mandat et que monte enfin à ses narines palpitantes, le fumet de la victoire.

Je fais partie des « veaux » (dixit celui qui utilisa si bien les moutons …) et mon cerveau de souris n’en finit pas de chercher des explications à la dévorante passion qui les pousse à vouloir nous montrer la voie … ou nous mener à l’abattoir … Pascal prétendait qu’Alexandre, César ou Napoléon n’étaient en fait que des gens qui s’ennuyaient. Fichue thérapie à l’oisiveté que des milliers de morts ! Est-ce à dire qu’à leur donner l’autorisation démocratique de nous soumettre, nous réveillons en eux la plus démentielle de leurs ambitions ? Dommage Saint Augustin, j’aimais bien ton adage au sujet de la soumission …

Non, je ne comprends pas ce qui anime ces marionnettes. Ou plutôt si … sans doute le cercle d’un pouvoir d’autant plus pervers qu’il ne se nourrit que d’ombre. Je ne comprends plus non plus cette époque. Ce n’est pas le temps qui change, c’est l’esprit qui diminue. Seuls le pouvoir et l’argent semblent vraiment les exciter. En apparence, c’est beau, c’est sain, c’est clean, mais si on creuse un peu, tout s’effondre. On s’aperçoit que la belle façade que nous admirions tant ne cachait qu’un édifice rongé, fragile, pourri jusqu’au cœur. Le tableau n’est pas flatteur mais ce n’est pas de ma faute si on oscille entre Zola et Kafka. Les ostracismes artificiels se multiplient, nappant le poisson aux yeux vitreux d’une sauce prétendument salvatrice. La société est névrosée et schizophrène. Et plus elle devient malhonnête, plus elle devient moraliste, hypocrisie et lâcheté érigées en vertus. L’ozone se troue, les réacteurs se fissurent, les médias n’en finissent plus d’abêtir une ménagère sans âge, l’Homo Argentus règne sans partage par la grâce du Politico Sapiens. On a le cul sur une poudrière mais ce qu’on nous demande, c’est de respecter les limitations de vitesse et d’écraser nos cigarettes !

Alors pourquoi ai-je de plus en plus peur de cette société où tous les filtres du vivre ensemble sautent les uns après les autres ? Pourquoi le monde trouve-t-il normal que ceux qui espèrent notre suffrage ne le fassent qu’à coup de violence verbale et de débat dont la qualité n’a d’égal que le vide intersidéral ? Eh merrrdeeee … Je me rendors d’un sommeil fabriqué dans le confort minimaliste de ma tanière puisque les chiffres du chômage reculent et que la BCE baisse ses taux (merci à toi ô Grand Argentier !!). Si les chiffres le disent, que suis-je pauvre décérébrée, pour prétendre le contraire. Les chiffres … au bacho, j’ai eu 5 en math et 16 en philo, c’est dire que les chiffres et moi, on ne dort pas ensemble. Ce que j’aimerais par-dessus tout, c’est qu’on arrête de me dorer le déclin avec des expressions vaseuses. Démocratie participative, citoyenne interactive, travailleurs pauvres et depuis peu (on atteint des sommets tout de même) les non-binaires ! ! … Il n’y a que moi que cela choque ? La France, pays des Lumières ? P’tain, qui a coupé le compteur ? !

Une chose est sûre, je n’ai plus le prétexte de l’innocence depuis longtemps. Tous les signes étaient là. Tous les voyants passaient au rouge. Pour autant, je me mens à moi-même. Je n’ai pas les yeux ouverts en permanence et mes cris se font si rares et tellement silencieux. Je fais mon amnistie personnelle de temps en temps. Une petite cure d’aveuglement par-ci, une BA par-là et zoouuuuu … c’est reparti.

J’ai de plus en plus envie de sauter du train mais je suis toujours dans le wagon à me demander si mon billet est valable. Descendre ? Justement je n’en sais trop rien. C’est un sentiment diffus, un malaise difficilement palpable. C’est d’autant plus dur à résoudre. Comme ces douleurs imprécises qui cassent le corps plus sûrement qu’une blessure bien nette. Celle-là, au moins, a l’avantage de cicatriser. En attendant, je me sens lamentablement dinosaure à contempler ce zoo de bazar. L’appel de la brousse se fait de plus en plus fort. Là-bas, les éléphants ont la dignité de se retirer en silence quand leur temps est venu. A ne plus comprendre le monde dans lequel je vis, je me dis que je devrais faire comme eux.

Pourtant, je suis quand même allée voter. Vanitas vanitatum et omnia vanitas …