Ecrire ou mourir

Mise à sac

Une pensée pour ceux que les ennuis de la SNCF empêchent de rejoindre leur tribu pour des moments de repos et de partage. La routarde que je fus (c’était il y a bien longtemps), ne s’encombrait jamais dans ses voyages. A part mon matériel photo qui prenait la plus grande partie de la place et du poids. Tout le reste tenait dans mon sac à dos au sujet duquel je me souviens très bien d’une mésaventure dans un aéroport africain.

Les yeux écarquillés devant le tapis roulant, j’avais des montées d’adrénaline. Je croyais le voir, je m’avançais, je tendais la main. Non ce n’était pas lui, ce n’était jamais LUI !!! ! Ces andouilles l’avaient bel et bien perdu. Mon sac à dos ! L’objet de tous mes soins, lui que je traînais depuis des années avec amour, préparé pendant des jours, mon sac, mes repères, mon repaire, ma coquille d’escargot à laquelle je comptais m’arrimer pendant ces semaines que je m’apprêtais à passer dans le Serengueti. Le choc était rude. Je me sentais pitoyable et perdue. Mise à sac en somme. Dedans, des choses apparemment essentielles à ma survie. Apparemment …

Quarante-huit heures plus tard, Nom de Zeeeuuusss … je me souciais comme d’une guigne de la disparition de ce fichu sac. J’avais racheté le minimum et n’avoir qu’une tenue, c’était reposant. La douceur de février, la débauche de couleurs et d’odeurs qui me faisaient des rêves d’or et d’encens, la valse des saveurs que mon palais devait apprivoiser, la joyeuse curiosité des africains (Wherrre do you come frrrom ? What is yourrrr name ?), la délicatesse de leur tête pour dire oui. Et tous les bruits auxquels je m’abandonnais résolument : cri rauque des rapaces, sons de flûte dissonants, klaxons hurlants, bourdonnement des ventilos, muezzin et la musique, tout le temps … partout …la musique.

Thank you Air Machin ! Mon sac perdu ne pesait plus sur mes épaules. Un peu de dénuement et voilà que je devenais légère. Mes peurs cédaient l’une après l’autre : celle de perdre, celle de rater, celle des microbes, d’autres encore. De ces quelques semaines, quel moment retenir ? Impossible de me décider. Tous. Les enseignements des vieux Maasaï. Oh rien de mystique. Une coupure au doigt et je me tourne toujours vers Néomycine plutôt que vers Engai, bien qu’on me l’ait suggéré. Non, juste une conscience plus aigue du mouvement de la vie. Et ça, c’est déjà beaucoup et je l’ai gardée.

Épilogue. Huit jours plus tard, on me prévenait que mon sac avait été retrouvé et m’attendait à la réception du lodge. L’idée de me retrouver lestée m’a déprimé. Au propre et au figuré …